mardi 29 juillet 2008

Valse avec plusieurs 'inconnues'









Ari Folman, un réalisateur israélien a vécu la première guerre du Liban en 1982. Il avait 17 ans et était un des nombreux soldats à avoir participé à la fameuse opération « paix en galilée » qui avait comme objectif de mettre fin aux attaques palestiniennes de l’OLP basée au Liban.
Les galeries du cinéma à Lausanne accueillent depuis quelques semaines déjà son nouveau film ‘Valse avec Bachir’. Un documentaire d’animation. Oui oui… un documentaire avec de l’animation. Un genre tout à fait surprenant et d’une force qui ne laisse pas indifférent.
Comment ?
Cette dite opération Galilée porte un lourd fardeau (on l’appellera comme ça pour le moment) et il s’agit du massacre de Sabra et Chatila (2 camps de réfugiés palestiniens au Liban) perpétré par les Phalangistes au pouvoir faisant en tout cas 3500 morts en une nuit.







Que s’est-il passé cette fameuse nuit du 16 au 17 septembre 1982 ?
Ce jeune soldat ( Ari Folman) va à la quête de sa mémoire oubliée ou occultée ?

Il va à la recherche de ses anciens compagnons de guerre et essaie de reconstituer un puzzle qui se met très difficilement en place.
Une enquête/analyse dans laquelle il découvre une certaine vérité exactement comme si un spectateur novice le faisait. Démarrant quand même de quelques images éparses, il demande lors de ses entretiens: Que s'est-il passé? Est-ce que j'étais là aussi?...

Ses entretiens ont été enregistrés par Ari Folman et le coup de génie est qu'il a utilisé ses mêmes enregistrements audio sur les corps dessinés et animés de ses interlocuteurs. Une impression de réel se dégage de ses animations avec en même temps un effet de distanciation imposé car une possible fiction pointe son nez. C’est troublant. Ce Liban qu’on reconnaît mais auquel on ne veut pas croire tout de suite.

Des images d’archive pour conclure. La chute réaliste à laquelle le regard ne peut échapper. Des femmes pleurent sur les cadavres entassés de leurs maris, fils et pères… le lendemain du massacre.
Face à l’objectif d’une caméra très ancrée et solide, hypnotique et figée dans son mouvement : une femme parle, pleure, crie : Filmez ! Montrez au monde ses images… Filmez ! Ari Folman voit pour la première fois très clairement les images qu'il a cherchées pendant toute son enquête. Un moment, encore une fois, d'une très grande force. Le montage fait que ces images-là sont le contre champs de son regard. L'unique contre-champs du film. Je l'ai cherché, il m'a manqué et j'étais déjà entrain de me dire comme c'est dommage quand ses images du réel tombent tout à coup pour conclure le film d'une manière... juste 'juste' et magistrale !

Un peu plus tôt, les soldats israéliens sont pris dans une embuscade. Des tirs proviennent d’immeubles désertés et criblés de balles. Ils ne peuvent plus bouger et leur réplique est vaine. Un soldat (ancien compagnon de Ari) se saisit d’une mitraillette et se lance au milieu de l’avenue qui sépare les immeubles de la rangée de soldats israéliens couchés à terre, cachés derrière leurs armes. Il danse pour éviter les balles. Il danse et tire avec son arme en haut en bas... dans tout les sens. Il danse et tire dans une solitude complète. Avec une grâce à tout défier ! La phrase de Ferré me revient instantanément : Les armes comme une esthétique de la solitude. Cette séquence était l’un des plus beaux moments du film.
Valse avec Bachir est un beau film sur la mémoire ou sur l'amnésie... les traumatismes de la guerre.


Quand aux implications qu'avait Israël dans ce massacre, rien de plus que ce qui est encore officiellement aujourd'hui une grande polémique. Dans le film, une logique de cercles est avancée tour à tour par les psychothérapeutes, les vieux compagnons de cette guerre et quelques journalistes aussi en rappelant que ce secteur était effectivement occupé par l'armée israélienne, mais que la milice phalangiste a organisé ce massacre toute seule, presque à l'insu de ses premiers...
Par ailleurs, on sait que la commission chargée par Israël d'enquêter sur ce massacre a établi que les phalangistes ont tué ses milliers de palestiniens et que l'armée israélienne était 'fautive'. L'opinion internationale s'était exprimé en ses termes: Cette commission 'juge et partie' a sous-estimé la responsabilité israélienne dans le massacre de Sabra et Chatila. Point.
Bachir (Gemayel) est élu président du Liban pendant l'intervention militaire israélienne en 1982. Il venait de passer une alliance avec Israël et les USA pour chasser les palestiniens du Liban. Il est assassiné 3 semaines après sa prise de pouvoir. Le massacre de Sabra et Chatila s'ensuivit, perpétré par ses partisans et cela sans la moindre opposition de l’armée israélienne. Et pour ajouter une autre information, Habib Tanious Chartouni, militant pro-syrien, a avoué avoir assassiné Bachir. Jugé et emprisonné par la justice Libanaise, il est illégalement relâché par l’armée syrienne en 1990.
Rien que ça !